Emile H. Malet
Consternant le débat sur les élections européennes, les postulants des différents partis politiques n’ont pas fait montre de souffle politique, encore moins d’un esprit européen. Manque de culture, manque de conviction, manque de recul historique, manque de prévision d’avenir… un peu de tout celà chez les différentes têtes de listes aux élections européennes. Issus de tous les horizons politiques, de la droite à la gauche et au centre, extrémistes inclus, Jordan et Manon, Valérie et Raphaël, Marie, François-Xavier et Marion Maréchal, ont été désignés par défaut par ce que les leaders des grandes familles politiques n’ont pas souhaité porter le maillot européen, comme s’il s’agissait d’un totem gênant pour leur avenir politique.
La France cultive l’Europe par défaut, n’en déplaise aux élites qui s’en gargarisent comme un soda éventé et dépourvu de goût et d’acidité. Nos têtes de listes n’avaient guère plus de saveur politique et ont passé leur temps à ânonner des slogans politiciens, quand il ne s’est pas agi de vues extrémistes et particulièrement nauséabondes. Suivez mon regard avec LFI en procureur contre Israël, pro-Palestine, proxi du Hamas pour certains de ses membres et en faisant clin d’œil avec un antisémitisme sourcé à la fraction lambertiste du trotskysme et acidulé à un islamisme anti judaïque, renvoyant aux pogroms d’antan et à la voyouterie des années 30. On l’aura compris, LFI a cherché à extrémiser ce scrutin pour en vider le contenu européen et servir de marchepied (éventuel) à une candidature de son caudillo Mélenchon aux élections présidentielles de 2027. Dommage que l’ensemble de la gauche, intimidée par cette prose xénophobe et d’une vulgarité inouïe, ait cédé à cette antenne en s’inscrivant dans une ligne orientaliste partisane et résolument anti-israélienne. Grave conséquence : nous allons assister pour les décennies à venir à une polarisation ethno-politique lors des élections : les Français musulmans votant à gauche et plutôt LFI et les Français juifs votant à droite. C’est une entorse à la démocratie et sa liberté de vote, dont la responsabilité incombe à Jean-Luc Mélenchon qui a pris le risque énorme de faire du facteur religieux un déterminant politique pour servir ses propres intérêts, quitte à ajouter une louche wokiste et religieuse à une société française déjà contaminée par une archipellisation avancée.
La constitution des listes, afférentes aux différents partis politiques, aura été laborieuse de bout en bout, cherchant à rassembler des positions plus ou moins excentrées sinon contradictoires pour amadouer les électeurs, mais avec pour résultat : aucune prise de position nette et claire sur l’Europe, sa constitution, ses ressorts, ses ressources, sa compétitivité, sa stratégie. Il s’est agi d’être pour ou contre l’intervention en Ukraine, du degré de répulsion pour la Russie, de tergiverser sur les armes à déployer, sur une hypothétique défense européenne, sur des sanctions économiques, des bravades elliptiques… bref des généralités habillées de l’ambiguïté stratégique pour ne pas avoir à dire des choses substantielles sur l’Europe. Pour exemples : Quelle politique migratoire pour le court et le moyen terme ? Comment enrayer la chute de la natalité ? Comment débureaucratiser les Institutions ? Comment mutualiser un grand plan d’investissement pour les mobilités et les technologies ? Passer d’une démarche obsessionnelle de normes à une stratégie commerciale conquérante ? Faut-il taxer lourdement les véhicules électriques, les batteries, les panneaux voltaïques en provenance de Chine pour booster les productions « made in Europe » ? Quand et comment augmenter les budgets de défense et de sécurité pour avancer vers une Europe puissance ? Cette liste de priorités à la Prévert n’est pas exhaustive, elle indique toutefois vers où aller ? quoi faire ? prospecter dans quelles directions ? Exister !
A la vérité, il y a une peur et une prévention de l’Europe, de ce qu’elle recèle de potentialités économiques et humaines, de troquer un cosmopolitisme chargé d’étoiles scintillantes à la place d’un nationalisme étriqué. Nous avons oublié que nous sommes héritiers de la Renaissance et des Lumières, de la Révolution et de la Shoah, du continent qui a émerveillé le monde et a failli tout détruire au cours de deux guerres mondiales. Voilà ce qu’on aurait souhaité entendre et ressentir durant cette campagne électorale. Il n’en a malheureusement pas été question, privilégiant des guéguerres intestines, des intérêts égoïstes, un multiculturalisme wokiste et xénophobe, teinté d’antisémitisme. L’Europe aurait mérité mieux que Mélenchon et ses aboyeurs, que des postures idéologiques anachroniques, qu’une grandiloquence creuse et parfois nauséabonde. Quant au vote, reste seule acceptable une attitude pro-européenne, ancrée dans la civilisation des Lumières, ne répudiant pas son legs judéo-chrétien et ses valeurs universelles et œuvrant pour la prospérité et la cohésion sociale et culturelle de ses populations.