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Emile H. Malet
Le débat d’idées en France est de plus en plus brouillon, les polémiques se succèdent, on assiste à une succession de règlements de comptes plus ou moins idéologiques, de rancune des élites par rapport au peuple et vice-versa, de bourrasques sociétales, de xénophobie rampante, bref, chacun(e) y va de son défoulement et la logorrhée d’ambiance constitue un brouhaha qui sent pas bon et dont on peine à trouver sens et intelligibilité. La France de Molière s’amuse en marivaudant sur des sujets sérieux et qui révèlent parfois des plaies mal cicatrisées et qui suppurent au détriment du civisme, de la civilité et du vivre-ensemble. D’une certaine manière, il y a une France harcelée par du ressentiment.
L’ancien responsable socialiste Gérard Filoche s’est cru autorisé à relayer via internet le message antisémite d’un groupe d’extrême droite négationniste montrant le Président Macron en posture de clown nazi arborant un brassard décoré du dollar et à la solde de personnalités juives célèbres, et des drapeaux d’Israel et des États-Unis. De quoi vomir dans un contexte démocratique, mais au delà de l’indignation et du messager répugnant, il ya plus grave avec une forme de décomposition socioculturelle. L’antijudaïsme de source chrétienne a heureusement disparu, il est quasi inexistant pour le moins, en lieu et place s’installe un antisémitisme protéiforme dont l’extrême droite n’a plus l’exclusivité. Cet antisémitisme nouveau se déploie dans de nombreuses strates : dans les banlieues à forte population de confession musulmane, dans les milieux d’extrême gauche anticapitaliste, subrepticement sur l’ensemble des réseaux sociaux dit bien-pensants où l’antisémitisme se consomme allègrement, toujours à l’extrême droite et aussi dans certains milieux de gauche qui instrumentalisent une supposée « cause arabe » à des fins électorales et/ou idéologiques.
Gérard Filoche fait partie de cette nébuleuse « rose » dénoncée lucidement et courageusement par l’ancien Premier ministre Manuel Valls qui a alerté sur une dérive communautariste flirtant depuis des années avec des idées nauséabondes. Le parti socialiste a eu raison d’exclure M. Filoche, il pourrait concomitamment avec l’ensemble de la classe politique pratiquer un inventaire de toutes les dérives urbaines xénophobes, conséquentes à une certaine inertie sur le terrain et là où la parole se mue en vindicte populiste et ouvertement antisémite.
La guéguerre entre Edwy Plenel et Charlie-Hebdo, tout en étant distincte de la propagande filochard, relève d’un égal processus de manipulation des esprits. Le patron de Mediapart, ancien trotskiste, s’est offusqué d’une illustration de la Une de Charlie Hebdo, le portraiturant de manière désobligeante en considérant qu’il avait toujours soutenu Tariq Ramadan au risque de se retrouver silencieux devant les accusations de harcèlement sexuel visant l’islamologue. Quoi de plus vrai puisque Plenel, avec Edgar Morin et d’autres personnes, ont largement débattu et contribué à faire connaitre la prose douteuse du célèbre islamologue. La réplique du patron de Médiapart sera cinglante, accusant Charlie Hebdo de faire la « guerre » à l’islam et aux musulmans. Rien de moins, sinon que tout cela est faux et vient rompre un consensus républicain en faveur de Charlie Hebdo, qui paya tragiquement dans la chair de sa rédaction son engagement républicain en faveur d’une liberté d’expression. Ce qu’il y a de lamentable dans ce vrai- faux conflit médiatique c’est de constater que pour soutenir une querelle de tout-à-l’égo du narcissique patron de Médiapart, ce dernier en vienne à instrumentaliser un sujet aussi fiévreux que l’islam pour le retourner contre une laïcité républicaine médiocrement et faussement qualifiée d’islamophobe. Charlie Hebdo n’est pas plus anti-arabe qu’il n’est antijuif ou antichrétien, même s’il exagère parfois dans ses excès blasphématoires.
L’Islam devient en quelques sorte un curseur moral et politique parmi les enfants perdus de la République, à gauche comme à l’extrême droite avec pour conséquence un antisémitisme récurrent et un brouillage socio-culturel des codes politiques. Cette pseudo crise très parisienne est caractéristique de notre époque brouillonne qui voit une France harcelée par de la mièvrerie idéologique surfant sur des difficultés réelles pour nourrir la chienlit ambiante.
Venons-en à l’affaire Weinstain et au harcèlement sexuel. Il y a du sérieux dans cet épisode hollywoodien, à savoir un producteur américain qui abuse de sa position dominante pour se conduire lamentablement. Que la justice s’en mêle, quoi de plus juste et de plus normal. Que cette affaire en vienne à révéler des pratiques malsaines, abusives et violentes, visant des femmes, on ne peut qu’être favorable à cette libération de la parole et les plaintes humaines méritent écoute, sollicitude et réparation pour les viols commis. A ce niveau, il ne faut surtout pas se cacher derrière son petit doigt et pratiquer une politique de l’autruche en négligeant de rapporter à la connaissance du public des vicissitudes qui passaient pour acceptables du fait de leur ancienneté et parce qu’elles étaient courantes. Mais l’affaire Weinstain doit être contenu juridiquement et ne pas permettre des dérives socioculturelles et judicaires en faisant croire que la démocratie serait d’une transparence exemplaire et pourrait régir parfaitement les comportements humains, à fortiori les relations sexuelles.
Malheureusement, dans le climat délétère qui ensauvage la société française, le harcèlement sexuel dans sa dénonciation justifiée mais instrumentalisée par des apôtres de la purification sexuelle devient du harcèlement tout court. Toute personne ,en l’occurrence il s’agit des hommes mais le tour des femmes viendra, est désormais passible d’accusation de harcèlement sur simple dénonciation. Sans préciser où commence le harcèlement : la parole, le regard, le sourire, la séduction, l’attouchement. Naturellement dans une société évoluée et garante des libertés individuelles et collectives, toute discrimination liée au sexe doit être sanctionnée. La démocratie est consubstantielle de l’intégrité et même de la souveraineté physique et corporelle des individus. Mais la relation humaine, à fortiori la relation sexuelle, n’est pas soluble dans un nouveau catéchisme sociologique qui viendrait harceler les gens sur leurs choix et leurs pratiques sexuels. A n’y prendre garde et si ce harcèlement des consciences et des comportements venait à se développer, nous assisterions à des dénonciations en tous genres et l’air deviendrait vite irrespirable. Le piège du harcèlement qui peut concerner toutes sortes de conduites, en famille, au travail, en couple, entre amis et relations, est qu’on ne saurait le cerner exhaustivement sous peine de déclencher des passions aussi vives et aussi affranchies de tout contrôle et qui viendraient se répandre au dehors en assourdissant de rumeurs la société. La campagne informatique « balance ton porc », correspond à ce lynchage médiatique à grande échelle et s’apparente à du harcèlement franchouillard en vue de semer le soupçon dans tous les interstices sociaux.