Notre cagnotte Leetchi
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Emile H. Malet
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9h - 13h
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Encore un été chaud en France et (presque) partout en Europe. La canicule aura malheureusement fauché beaucoup de vies humaines, particulièrement dans nos grandes métropoles vulnérables au réchauffement climatique et à la pollution. Mais cet été caniculaire aura également été le théâtre d’un extraordinaire ballet diplomatique avec deux épicentres fiévreux : l’Iran et la Grèce. Deux pays, sièges de grandes civilisations et qui ne sont plus que l’ombre de leur passé. La Perse est aujourd’hui, depuis 1979 en fait avec la chute du chah d’Iran et le retour de Khomeiny, le théâtre d’une théocratie où les hommes en noir font régner un climat moyenâgeux, avec une régression liberticide et une police des mœurs fanatique. A la dictature du chah d’Iran a succédé une espèce de califat moderne avec des ayatollahs obscurantistes guidant le pays vers l’abîme et des gouvernements civils à la botte et chargés d’expédier les affaires courantes. Sur le plan extérieur, après une guerre d’usure exténuante avec l’Irak, l’Iran appuie dans la région proche-orientale tous les groupements et Etats terroristes, le Hezbollah au Liban et contre Israël, le Hamas à Gaza et contre Israël, la Syrie sanguinaire de Bachar el-Assad, les rebelles houttistes au Yémen contre l’Arabie saoudite… Bref, l’Iran a choisi son camp guerrier et a défini l’ennemi à abattre : Israël et les sunnites modérés, ainsi que la puissance à défier : les Etats-Unis.
Depuis que l’ayatollah Khomeiny a succédé à l’impérium du chah, avec la complicité passive des Occidentaux, l’Iran a violé tous les règlements internationaux pour accéder au club des puissances atomiques. Pour l’en dissuader, les pays occidentaux (Etats-Unis, France, Allemagne, Grande-Bretagne…) ont exercé des pressions économiques qui ont eu pour effet d’appauvrir économiquement l’Iran et de retarder son programme nucléaire. Lors de sa réélection pour un second mandat en 2012, le président Barack Obama a réorienté la politique extérieure des États-Unis en cherchant par tous les moyens un compromis avec l’Iran. Ce compromis a été signé à Genève en juillet dernier, nonobstant une résistance française pour un « accord robuste », et qui met entre parenthèses la prolifération nucléaire en provenance de l’Iran pour la décennie en cours. Autrement dit, le danger nucléaire iranien est écarté pour le court terme. Israël est vent debout contre cet accord et la course aux armements nucléaires sera fatalement relancée au Proche-Orient, notamment de la part des principaux pays musulmans sunnites (Arabie saoudite, Egypte, Turquie…).
C’est une victoire à la Pyrrhus pour les Etats-Unis qui s’illusionnent sur la capacité modératrice des ayatollahs iraniens contre l’Etat islamique (Daesh). Seul résultat économique à attendre : la ruée des Occidentaux vers l’or noir iranien et des contrats juteux pour les grandes entreprises qui actionnent la mondialisation et les flux financiers planétaires. En somme de George W. Bush à Barack Obama, les Etats-Unis ont choisi la fuite en avant pour orienter leur politique arabe : idéologique chez Bush qui a entrepris des guerres préventives contre l’Irak et l’Afghanistan en vue de « venger » les attentats islamistes du 11 septembre 2001 ; avec idéalisme chez Barack Obama qui a réveillé la guerre des chiites contre les sunnites en prenant le risque d’accorder un ascendant stratégique à la Perse contre les anciens alliés des Etats-Unis. Tout cela en vue de gagner des marchés et d’exporter une démocratie « made in US » sur un Proche-Orient qui n’en veut pas et dont l’avenir s’avère de plus en plus incertain.
L’accord signé entre les Européens (plus le FMI, la BCE…) et la Grèce à Bruxelles, quasiment le même jour de juillet que le compromis iranien, a apporté une solution immédiate à une situation d’urgence : permettre à la Grèce de rester et dans l’Union européenne et dans l’euro. Mais le compromis de Bruxelles n’a rien résolu quand au fond, à savoir que la Grèce est en situation de faillite financière et sa population exsangue du fait d’une politique d’austérité aggravée. La Grèce n’est que l’arbre qui cache la forêt d’une Europe du Sud, dont la France, qui croule sous les déficits, la dette publique, l’absence de croissance et la montée du chômage. Là encore, une puissance, l’Allemagne, a imposé sa loi d’airain en dictant une rigueur économique à des pays essoufflés par la crise économique. Tout le monde sait qu’avec un euro fort, trop fort, et des asymétries économiques abyssales, il ne saurait y avoir une équivalence de niveau de vie entre le Parthénon (athénien) et le Kurfürstendamm (berlinois). Avec un euro sur-monétarisé et une forte concentration industrielle au nord de l’Europe, il y a un déséquilibre trop préjudiciable et qui joue en défaveur de l’Europe du Sud. Et comme la générosité n’a jamais été la règle régissant le concert des nations, « Bruxelles » a imposé à la Grèce des réformes insoutenables et humiliantes. « L’épreuve du temps est généralement sûre », professe avec lucidité Platon. Le temps européen est maussade et la Grèce se prépare à un temps extrêmement préoccupant. Il aurait fallu revoir de fond en comble la politique financière et monétaire de l’Union européenne en relançant par des investissements structurels le retard économique pris par l’Europe du Sud. Et non placer la Grèce sous l’assistance financière et l’influence bureaucratique des institutions européennes pour obliger les Grecs à plus de sacrifices. Désormais, ce pays aux structures archaïques, et dont les gouvernants successifs de droite comme de gauche ont fait montre d’une dramatique imprévoyance, n’a plus d’autre choix que de courber l’échine et de se contenter de la manne nourricière européenne. L’accord de Bruxelles, nécessaire à certains égards pour redresser l’économie grecque, est tellement contraignant et dépourvu de souplesse financière qu’il ne permet pas d’envisager un redressement du pays qui a offert aux Européens les rudiments philosophiques de la démocratie. En barrant la Grèce d’une future prospérité, l’Europe aura ignoré cette leçon de Platon : « La façon la plus élégante et la plus pratique consiste non pas à supprimer les autres, mais à prendre les moyens qui s’imposent pour devenir soi-même le meilleur possible[1]. » Sotte Allemagne, pauvre Europe…et nous qui suivons.
Emile H. Malet
[1] Platon, Apologie de Socrate, Criton G/F Flammarion, p.123.